Le Bisphénol A (alias BPA) est interdit en France pour tous les emballages alimentaires depuis le 1° janvier 2015.
Dans un communiqué de presse, l’ANIA (Association des Industries Agro-Alimentaires) annonce que, suite à une mobilisation importante pour trouver des substituts depuis deux ans, les entreprises agro-alimentaires sont prêtes à cette interdiction et ont trouvé les substituts sûrs dans la plupart des cas.
Cependant plusieurs médias se font le relais de points de vue quelque peu différents.
Selon RTL, des syndicalistes du secteur craignent les délocalisations : « Les industriels ont dû le remplacer par d’autres substances chimiques moins toxiques, mais plus compliquées à utiliser. Ce qui les ennuie surtout, c’est que la France est le seul pays à interdire le bisphénol A dans les emballages en métal. Or, la nouvelle loi concerne aussi les produits qu’ils exportent et leurs clients étrangers ont du mal à comprendre. »
Pour Le Figaro, l’interdiction est d’abord une question politique qui peut coûter cher économiquement parlant : « [Olivier Draulette, (industriel du secteur de l’emballage)] s’interroge désormais sur les conséquences économiques d’une mesure qui isole la France par rapport à ses partenaires commerciaux. «En perdant ce produit universel, nous allons réduire nos économies d’échelle. Or nos clients étrangers, qui se moquent de la présence ou non de BPA dans la boîte de conserve, nous disent: “S’il y a un surcoût, on ne veut pas le payer”.» L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) doit rendre fin janvier un avis sur les risques associés au Bisphénol A. «Nous espérons que cela donnera lieu à une norme européenne, c’est la seule façon pour nous de retrouver de la compétitivité», soupire Olivier Draullette. »
Dans « L’interdiction probablement illégale du bisphénol A au 1er janvier 2015 : la précaution contre la démocratie », Les Echos va encore plus loin : « la règlementation en matière d’alimentation et de sécurité des produits relève de la compétence européenne dont la réglementation a connu une forte évolution ces dernières années. Alors que l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) s’attache à une revue exhaustive des études scientifiques et qu’elle a lancé une vaste consultation publique préalable avant de rendre son avis sur la dangerosité de la substance, la France en devance l’issue.
Pour cette raison, on peut sérieusement douter de la conformité de la mesure française au droit européen. Cette confrontation entre le droit national et européen peut tantôt s’analyser comme un facteur de vitalité, tantôt marquer un signe d’échec du processus de la démocratie scientifique. »
Les Echos conclut : « Le législateur français a pleinement conscience du fait que la législation ainsi adoptée contrarie le droit européen, mais espère être l’instigateur d’une évolution. Marguerite Yourcenar prête à son empereur Hadrien la fameuse formule : « C’est avoir tort que d’avoir raison trop tôt ». La France fait ainsi le pari d’être précurseur, d’être avant les autres États membres du côté de la vérité historique, en donnant force à sa conviction. Mais cette stratégie de rupture est-elle si vertueuse ? Si l’avenir lui donne raison, c’est probable.
Dans le cas contraire, elle montrera que la France n’a respecté ni la compétence européenne ni le processus maïeutique scientifique qui préside à la décision démocratique. Elle aura fait prévaloir une intuition fondée sur la crainte qui crée un climat de suspicion sanitaire généralisée. Plus grave pour la santé publique, sans évaluer l’imminence et la gravité du risque potentiel et en précipitant l’interdiction, elle aura conduit à un report des industriels sur des substances alternatives dont la hâte, la nécessité et le marché ne permettront pas de comparer le risque avec celui du BPA.
Celui qui évalue l’incertitude doit se garder de l’ironie dont Jankélévitch prévient qu’elle risque « d’interpeller l’obscurité pour se donner du courage » ».
La lecture de l’intégralité de l’article vaut la peine.