S’appuyant sur le rapport du député Dominique Potier, Stéphane Le Foll a lancé la version 2 d’Ecophyto lors d’une « conférence nationale An 1 de l’Agroécologie », le 30 janvier 2015. Il maintient les objectifs de réduction des volumes, mais en deux temps, introduit les CEPP (Certificats d’Economie de Produits Phytosanitaires) et accroît sensiblement les taxes sur les produits phytosanitaires. Réactions mitigées des associations environnementalistes et franchement hostiles des organisations agricoles.
La présentation d’Ecophyto par Stéphane Le Foll
S Le Foll affiche un certain pragmatisme. Considérant que le premier plan Ecophyto est un échec « car l’objectif de réduction ne s’est pas accompagné d’une réflexion sur les modèles de production », il dit vouloir s’appuyer sur les entreprises, faire jouer positif et collectif et territorialiser la démarche.
Voir « Conférence Nationale An 1 de l’agroécologie » sur le site du ministère de l’agriculture
Le terme « An 1 de l’Agroécologie » traduit bien cette volonté d’être en rupture sur le fond avec le précédent plan pour ne déplaire ni aux agriculteurs (centrer , ni aux environnementalistes (rompre avec « l’ancien modèle agricole »).
La presse peut-être assez descriptive et assez indulgente envers S Le Foll, voire en soutien ouvert :
« Agriculture: Le Foll entend réduire les pesticides de 50% d’ici 2025 » (Libération),
« Le plan Ecophyto devrait réduire de moitié l’utilisation des pesticides » (France 3),
Ou plus critique :
« Sur le terrain, le plan de réduction des pesticides jugé inapplicable », (Les Echos),
« Déception des syndicats et associations » (La France Agricole),
« Stéphane Le Foll présente sa nouvelle méthode pour réduire l’usage des phytos » (AgriSalon)
Des réactions environnementalistes mitigées
Dans sa communication, Stéphane Le Foll donne des gages évidents aux organisations environnementalistes. Par exemple, il affirme dans Libération que « les produits phytosanitaires sont comme une bombe à retardement », phrase que n’auraient pas reniée les anti-pesticides les plus extrêmes.
Pourtant, comme pour de nombreuses ONG environnementalistes, pour la Fondation Nicolas Hulot, « Le Foll présente un plan vert pâle face aux lobbys » (le Nouvel Observateur)
Pour Générations Futures (GF), ONG anti-pesticides par principe, « il faut fixer des objectifs de réduction obligatoire par culture! » Pensant (ont-ils tort ?) avoir un allié sérieux en Stéphane Le Foll, dans un autre article, GF se pose en conseiller : « Surtout il sera urgent de ne pas plier à la moindre pression du lobby agricole et agroalimentaire dominant. »
Des organisations professionnelles le plus souvent hostiles
Sur le fond, les professionnels montrent leur accord pour une réduction des impacts, mais s’opposent à une réduction des phytos en volume. Citons par exemple la réaction d’Orama (syndicats grandes cultures de la FNSEA) : « Convaincue de la possibilité d’améliorer toujours plus les pratiques agricoles dans l’intérêt de l’environnement, de la biodiversité et de la santé publique, Orama appelle le ministre de l’Agriculture à adopter une autre logique pour être efficace. Réduire arbitrairement les quantités de produits phytosanitaires est illusoire tant que les solutions prônées pour y parvenir ne sont pas disponibles. L’objectif doit être avant tout de mettre en œuvre des mesures pour parer les impacts indésirables que peut avoir l’indispensable utilisation des produits phytosanitaires. Et cela au bénéfice des hommes, de l’environnement et de l’économie des territoires. ».
Autre argument que l’on retrouve dans de nombreuses réactions professionnelles : La nécessaire harmonisation européenne. Par exemple, le communiqué de presse de l’UIPP (firmes phytosanitaires) affirme : « La compétitivité de la filière agricole et l’harmonisation européenne ne doivent pas être oubliées. L’UIPP plaide pour une démarche incitative et non une politique d’écologie punitive, instaurant des systèmes de pénalité. L’augmentation de la pression fiscale sur les produits phytopharmaceutiques, ne fera qu’accentuer les distorsions de concurrence déjà existantes et nuira à la compétitivité des agriculteurs français par rapport à leurs voisins européens. »
Dans AgroDistribution, les coopératives et le Négoce Agricole orientent leurs critiques principalement sur les CEPP : flous, erronés dans la méthode et injustement insécurisants pour les distributeurs.
Les critiques peuvent prendre des formes modérées comme dans « Ecophyto : Vers un plan plus réaliste ? »( Mon-viti) : « En attendant, remarquons que, malgré toute la bonne volonté des élus, l’innovation ne se décrète pas. C’est vrai pour le biocontrôle, où les produits arrivent petit à petit sur le marché. C’est aussi vrai pour les systèmes de culture.[…] Une problématique que nos décideurs devraient prendre en compte. »
Mais elles peuvent aussi être plus virulentes.
Par exemple pour la Coordination Rurale (syndicat agricole) dans « Ecophyto : un deuxième volet encore plus mauvais ! » : « des objectifs chiffrés une fois de plus intenables : une baisse de 50 % d’ici à 2025 non assortie cette fois du « si possible » […] Gageons que l’inconscience de M. Le Foll ne contamine pas notre ministre Marisol Touraine ! Encore que… L’absurdité d’un plan « Ecomédoc » avec des certificats d’économie de médicaments pesant sur les pharmaciens ferait peut-être enfin réagir dans le bon sens ! »
Alerte Environnement, répondant à la provocation de Stéphane Le Foll sur « la bombe à retardement » que constituerait les pesticides, évoque « Les arguments café du commerce de Stéphane Le Foll »
Le Collectif Sauvons les Fruits et Légumes de France (CSLFLF), dans un communiqué, montre également l’absurdité du propos de S Le Foll : « Si les produits phytopharmaceutiques étaient une « bombe à retardement » comme l’explique le Ministre, pourquoi de ne pas les interdire dès maintenant, quitte à assumer l’effondrement de tout un secteur ?! »
Dans un autre communiqué, le CSLFLF ironise : « L’expression « An 1 de l’agroécologie » [de S Le Foll] signifie-t-elle également pour le Ministère que l’on doit faire table rase du passé ? Les producteurs apprécieront ! Alors quid de l’amélioration des équipements et des pratiques pourtant exemplaires des filières ? Quid des solutions de biocontrôle déjà largement utilisées par les producteurs biologiques et conventionnels ? Quid de l’amélioration du profil des substances utilisées vers moins de risque ? Quid des résultats des études régulières des instances européennes saluant notre respect de la réglementation sur les résidus de produits phytosanitaires sur les fruits et légumes ? »
On est maintenant très loin du consensus de façade affiché lors du Grenelle de l’Environnement initiée par N Sarkozy.
D’une part, si les environnementalistes reste sur la même ligne de réduction des volumes, la plupart exige des mesures « contraignantes » et s’exprime de façon plus radicale.
D’autre part, dans le respect de l’environnement et de la santé humaine, les agriculteurs affirment le besoin de protéger les plantes, avancent le besoin de critères d’impacts environnementaux et sanitaires, dénoncent les distorsions de concurrence auxquelles ils doivent faire face et revendiquent une harmonisation européenne effective.
S Le Foll a fait beaucoup de bruit dans les médias. Mais il ne lui sera pas facile de faire accepter au monde agricole la partie punitive et complexe de cet Ecophyto V2.
Pour aller plus loin :
« Ecophyto V2 : Les organisations fruits et légumes écrivent à Stéphane Le Foll »
« Les premières années du plan Ecophyto : un échec ? vraiment ? »