L’émission du 5 mars 2015 (voir un extrait ici) d’Envoyé Spécial, France 2, continue de susciter de nombreuses réactions.
Ces réactions sont assez peu nombreuses sur les réseaux sociaux. Même si quand ils le font, c’est en général pour propager la rumeur et l’inquiétude. Par exemple cette youtubeuse qui titre« Croquez des pommes pas des pesticides » ou Allassac plus belle ville du monde site anti « pomiculture industrielle » qui titre « Golden dégage »
Il y a aussi des demandes légitimes d’explications par des clients (supermarchés, etc.)
Mais c’est bien dans la profession que le traumatisme s’exprime, contre la vision unilatérale du reportage.
Car, globalement, un phénomène étrange se fait jour : Envoyé Spécial parle de « vergers industriels », mais s’il y a bien une industrie ici, c’est bien celle de l’industrie médiatique, pour qui le sort des humains d’un territoire est quantité négligeable en face de l’audience potentielle. Les arboriculteurs, eux, des humains de ce territoire, ressentent une profonde injustice.
Dans « La profession désabusée suite au reportage de France 2 », L’arboriculture fruitière expose les arguments des producteurs de pommes, « profondément meurtris » par ce « reportage à charge et sans nuance »
De son côté, sur son blog, Daniel Sauvaitre, président de l’ANPP[1], répondant à un besoin exprimé par ses adhérents, continue son enquête « ….Ou quand toutes les pommes voient rouge. » :
Dans l’épisode n°3, ce sont surtout les lettres de l’ANPP à France 2 et au CSA, constatant et décrivant les manquements déontologiques de l’émission, sollicitant de la part de la chaine « la diffusion d’un reportage en droit de réponse, plus conforme à la réalité des pratiques arboricoles » et, de la part du CSA qu’« une sanction soit prise à l’encontre de ce reportage et de la chaîne en raison de manquements aux obligations et engagements journalistiques ». qui méritent attention.
Dans l’épisode n°4, D Sauvaitre démonte de façon précise deux exemples très parlants de manipulation de l’information par l’équipe d’envoyé spécial :
– la présentation déformée de pratiques permettant de prévenir des maladies fongiques afin de réduire le nombre de traitements
– un voisin/témoin qui raconte une « histoire » parce qu’elle « plait beaucoup à la dame »…
(ndlr : la lecture de ce paragraphe à propos de Jérôme l’arboriculteur et de Christian son voisin vaut la peine à elle seule)
Dans l’épisode n°5, D Sauvaitre analyse l’utilisation des médecins, témoins à charge, « forcément dignes de foi » puisque médecins, mais dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils font un « diagnostic au stéthoscope mouillé »…
Extrait : « A entendre cette toubib reconvertie à l’hypnose et à l’homéopathie on se demande quand même si c’est bien le serment d’Hippocrate qu’elle a prêté ou pas plutôt celui d’Hypocrite. En tout cas elle a bien cherché à nous endormir….sans y réussir. Elle nous dit avoir constaté une augmentation de maladies neurologiques et de cancers de la prostate. Et cite en exemple une agricultrice « forte femme et femme forte » qui à la fin des années 1990, à 60 ans, est devenue un légume en six mois. Et c’est tout. Faut qu’on se contente de ça comme preuve évidente de l’effet sur la population des pesticides épandus au verger. Je me demande si elle ne yoyote pas un peu de la touffe la toubib de Lubersac pour illustrer la corrélation entre cancers et pesticides avec ce cas vieux de 15 ans dont elle nous dit juste que la malade était paysanne et qu’elle respirait l’air du pays. »
Mise à jour du 16 mars 2015 :
D Sauvaitre a publié l’épisode 6 de son enquête « … ou quand toutes les pommes voient rouge ». Il y explique la question de la sécurité des travailleurs, qui a été abordée par deux témoignages lors del’émission d’Envoyé Spécial:
– un court témoignage anonyme, difficilement vérifiable
– un témoignage qui, quand on en connait les détails non abordés dans le reportage, est surtout la conséquence d’une histoire complexe, et où la question de la manipulation des phytosanitaires occupe une place secondaire, voire un rôle de prétexte.
D Sauvaitre expose dans cet article toute la complexité de cette question de la sécurité de l’applicateur, largement et exagérément exploitée par certaines ONG.
[1] Association Nationale des porducteurs de Pommes et Poires