Sous le titre « « Pesticides : Donner les moyens aux agriculteurs de s’en passer » (Confédération paysanne) », La France Agricole rend compte de la position exprimée par la Confédération Paysanne, syndicat agricole minoritaire. Est-ce bien réaliste ?
Emmanuel Aze, arboriculteur, témoigne de l’impossibilité dans certains cas de choisir une alternative aux pesticides, « car il arrive que l’alternative coûte parfois dix fois plus cher à l’hectare qu’un passage de pesticide. Sans aucun soutien public, ce n’est pas possible, d’autant plus dans le contexte économique actuel. »
Laurent Pinatel, porte-parole du syndicat, « propose donc de donner les moyens financiers à l’agriculteur de se passer de phytos », et, affirme-t-il, « Se nourrir coûtera plus cher mais cela serait compensé par les économies réalisées sur la dépollution et la protection de la santé. »
20 minutes reprend la même information sous une forme un peu différente, plus précise sur l’exemple de la lutte contre une mouche attaquant la vigne et les fruits.
Une telle position, sympathique a priori, appelle quelques questions et remarques :
– Il y a certes une question de coût de l’alternative. Mais qu’en est-il de son efficacité, de sa régularité, de la possibilité concrète de la mettre en œuvre dans tous les cas ?
– Qu’en est-il de l’existence même d’alternative pour la grande majorité des bio-agresseurs ? Il existe alternatives pour protéger les cultures contre certains insectes. Mais pas contre la plupart. Il existe très peu d’alternative ayant une efficacité significative pour protéger les cultures contre les champignons aériens, ou ceux du sol. On ne peut pas considérer le cuivre (bouillie bordelaise), utilisable en bio, comme une alternative : c’est un pesticide minéral dangereux pour la faune du sol.
– Les solutions alternatives protègent souvent la culture partiellement. Elles peuvent réduire le recours à des pesticides de synthèse. Mais on doit les considérer aujourd’hui, et pour plusieurs dizaines d’années encore, comme complémentaires des solutions conventionnelles. Même si c’est bien la solution la plus sûre pour la santé et l’environnement qui doit être prioritaire.
– Pouvons-nous, de façon réaliste, avoir un décalage important de coût de revient entre production française et production importée ?
– La nourriture actuellement produite n’a jamais été aussi sûre. Et les niveaux de résidus baissent continument.
– L Pinatel sous-estime, volontairement ou non, le coût que le fait de « se passer de pesticides » aurait. Coût économique, mais aussi social, pour l’ensemble de la société : niveaux colossaux de compensations financières aux producteurs, remise au travail agricole d’une part importante de la population, y compris enfants, production irrégulière en quantité et en qualité, parfois disette. A moins de compter sur les autres pays pour nous nourrir…
La phobie anti-pesticides, que certains nourrissent, oublie sciemment que :
– Utilisés de façon raisonnée, intégrés dans une protection phytosanitaire incluant moyens agronomiques, préventifs, de biocontrôle, les pesticides sont utiles.
– Depuis plus de 50 ans, les substances s’améliorent (plus spécifiques, plus biodégradables, plus sûres), les méthodes d’application s’améliorent (matériel, aire de remplissage, …), la sécurité de l’applicateur s’améliore (formation, comportement, Equipement de Protection individuelle,…)
En prenant une telle position, la Confédération Paysanne caresse Générations futures dans le sens du poil à l’occasion de la semaine sans pesticides. Mais se passer de pesticides est une solution que la Confédération Paysanne elle-même, très certainement, sait complètement utopique.