« Répétez un mensonge, il finira par devenir une vérité » : telle semble être la stratégie des organisations environnementalistes. Elles présentent de façon répétée, mais sans aucun fondement, les néonicotinoïdes comme des « tueurs d’abeilles ». Qu’en est-il ?
La thèse environnementaliste
La thèse des « néonicotinoïdes tueurs d’abeilles » a un certain succès, y compris sur le terrain politique et réglementaire.
Dans le cadre de la loi Biodiversité en mars 2016, l’Assemblée Nationale a adopté de façon saugrenue[1] une interdiction totale de tous les usages de tous les néonicotinoïdes, sans évaluation d’aucune sorte. Le débat a maintenant lieu au Sénat. Une nouvelle fois, il est particulièrement vif concernant son volet sur les néonicotinoïdes.
Les principaux médias reprennent généralement les accusations environnementalistes sans distance et sans nuance. Stéphane Foucart, journaliste au Monde, mais aussi militant environnementaliste de fait, est particulièrement inventif.
Dans un article consacré aux néonicotinoïdes, « Le paradoxe de la Reine rouge », il défend l’idée que, telle la Reine rouge de Lewis Caroll, « l’agriculture est lancée dans une telle course effrénée au surplace » : « A mesure que le temps passe, chaque nouvelle innovation produit des effets bénéfiques toujours plus faibles et des dégâts toujours plus importants, qui sont à leur tour corrigés par d’autres innovations, venant elles aussi avec leurs externalités… Résultat : les rendements ne stagnent qu’au prix d’une escalade chimique et technique sans fin »
On se demande pourquoi les agriculteurs continuent à utiliser ces innovations diaboliques que sont les néonicotinoïdes…
Analyse critique
Le problème est que Foucart tord quelque peu la réalité pour arriver à ses fins.
Ceci a bien été relevé par Agriculture et Environnement (A&E) dans une série de tweets (voir en fin d’article)
Dans « Le paradoxe de la Reine rouge et de Stéphane Foucart », Wackes Seppi a repris les arguments de A&E sur son blog de façon plus rédigée.
Seppi montre aussi que « Il suffit de chercher un peu – au-delà de la zone éclairée par les lampadaires de la recherche à but socio-politique – pour s’apercevoir que le lien entre les néonics et la mortalité des abeilles n’est pas aussi simple. »
Il ne s’agit bien sûr pas de prétendre que les insecticides (néonicotinoïdes, conventionnels ou bios d’ailleurs) seraient sans danger pour les abeilles. Tous les insecticides présentent une certaine toxicité pour les abeilles. Mais les néonicotinoïdes, quand ils sont utilisés correctement, sont très loin d’être la menace principale pour les abeilles.
Voir ici, ici et ici.
D’autant que la notion même de disparition des abeilles est au moins discutable. Voir ici et ici.
Notre conclusion
Essentiellement, Foucart parle de l’évolution très récente de la consommation de phytos, mesurée par le NODU, un indicateur très spécifique, « oubliant » l’évolution sur le plus long terme. Et il masque la progression des rendements par un écrasement des échelles de quantités
Tout ce que dit Foucart n’est pas faux : il y a bien un certain ralentissement de certains rendements, il y a bien un ralentissement très récent de la réduction de l’utilisation des pesticides. Expliquer ces faits nécessite d’analyser les données climatiques, la pression parasitaire, le contexte économique, le contexte réglementaire…
Mais ce qui intéresse Foucart, ce n’est visiblement pas d’expliquer, de nuancer, d’exposer le pour et le contre. Ce qui l’intéresse, c’est de simplifier, d’interpréter, au point de tordre les données, pour conforter son idée préconçue. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas de faire un travail de journaliste. Ce qui l’intéresse, c’est de faire un travail militant de propagande.
Que le débat politique autour de l’environnement s’envenime à ce point est dommageable. C’est dommageable pas seulement pour l’agriculture. C’est aussi dommageable pour des décisions éclairées concernant les abeilles et l’environnement. Et c’est dommageable pour le fonctionnement de la démocratie.
Il est temps d’en finir avec les outrances…
Pour aller plus loin :
« Impact des pesticides : pourquoi et comment diminue-t-il ? »
« Néonicotinoïdes : se méfier des préjugés »
« Les abeilles disparaissent… Vraiment ? (suite) »
[1] Pour rappel : dans une caricature de démocratie (2voix d’avance, dont une erreur, sur 58 votants, alors qu’il y a 577 députés !), l’Assemblée Nationale avait adopté un amendement prévoyant cette interdiction totale. Voir « Néonicotinoïdes : l’obscurantisme en perspective ? »