L’opération de Générations Futures (GF) visant les résidus dans le muesli est indiscutablement un succès médiatique. Mardi 11 octobre 2016, tous les médias ont repris son « étude » et ses « résultats » sans recul : le muesli serait « bourré » de pesticides et l’effet cocktail nous menacerait.
Le gouvernement semble être sur la même position que GF. Pour s’en rendre compte, il vaut la peine de regarde la vidéo de la question du sénateur Joël Labbé et de la réponse de Marisol Touraine qui attaque l’UE sur la question des Perturbateurs Endocriniens et ne défend aucunement les normes officielles.
Depuis, nombre de voix se font entendre, quelquefois reprises dans les médias, pour dénoncer les erreurs et le parti-pris de l’étude de GF.
La brillante analyse de La théière cosmique
Dans « Le Muesli du matin n’est PAS bourré de pesticides », La théière cosmique, bloggeur sceptique/zététique, fait l’analyse la plus complète, claire et pertinente de l’étude de GF. Nous en conseillons vivement la lecture complète.
Résumé en quelques points :
– Une étude « aux allures scientifiques », mais qui n’a RIEN de scientifique. Entre autres : rien sur la construction des échantillons, ni sur les substances recherchées, chiffres sans signification (concentration moyenne totale par exemple).
– « Des résultats partiels, au bas mot » : confusion entre détection et quantification, pas 141 pesticides mais 30 pesticides différents. Le « rapport est bourré de graphs présentant de jolis bâtons, des moyennes et des médianes en tous sens, sans que cela signifie quoi que ce soit. »
– « Des conclusions sans liens avec les résultats réels » : Alors que « les DJA sont loin d’être dépassées [et qu’] aucun risque de perturbation endocrinienne n’est à redouter », « Ils n’hésitent pas à mettre en avant les “141” résidus, les “81” PE potentiels, les “0” résidus dans le BIO, quand bien même ces valeurs sont à la fois fausses et sans aucun lien avec la réalité »
– « Une médiatisation sans aucune déontologie » : Tous les médias ont « foncé tête baissée ». Aucun n’a mentionné qu’aucune DJA n’était dépassée.
Sa conclusion : « Il est tout simplement inacceptable que ceux qui sont censé nous informer tombent à ce point dans le travail bâclé, ou plutôt le non-travail, et diffusent de manière complètement irresponsable des informations fausses et inutilement effrayantes. Il est anormal qu’un bête blogueur puisse proposer une analyse de meilleure qualité et en soit réduit à dénoncer ceux qui ont pour déontologie de vérifier les informations qu’ils décident de transmettre. […]
Ne nous laissons plus manipuler sans rien dire par quelques individus sans scrupules qui savent que faire peur fait vendre. Soyons sceptiques. Soyons rationnels.
Montrons-le. »
Il faut également saluer le travail de La théière cosmique sur la question de l’effet cocktail. Il montre clairement qu’en l’occurrence, il n y a rien à craindre.
Actualisation le 14 octobre à 18h :
Nous avons omis de mentionner l’article de Seppi du 13 octobre : « Générations Futures et muesli : le plus déplorable, c’est encore la presse ! ». Il y fait une analyse détaillée, au moins aussi complète que celle de la Théière cosmique. En particulier sur la question de la comparaison non pertinente que fait GF entre les taux retrouvés et les limites réglementaires dans l’eau.
Puis, comme son titre l’indique, il souligne l’irresponsabilité des médias.
Il conclut fort justement sur l’utilité des pesticides : « On trouve des résidus de pesticides dans un produit alimentaire à des niveaux qui devraient ne susciter aucune préoccupation particulière ? C’est que les ingrédients, ou une partie d’entre eux au moins, ont été traités pour garantir leur qualité sanitaire, et donc la sécurité du consommateur.
Pas de protection phytosanitaire, en particulier fongicide, et le risque de mycotoxines – dont certaines sont de redoutables perturbateurs endocriniens… – augmente. Notez bien le mot « augmente » : le risque n’est nul dans aucun des modes de production et des itinéraires techniques ; mais sa valeur varie selon les circonstances. »
D’autres critiques
La Chèvre pensante, également bloggeur sceptique/zététique, a été le premier à réagir en mentionnant ironiquement qu’il « serait donc déconseillé de manger plus de 17 500 bols par jour » de muesli. Ceci a permis une première salve de réponses sur les réseaux sociaux. L’intérêt de son article est l’actualisation des articles des médias sur le sujet, tous alarmistes le premier jour.
Il mentionne « un nouvel article sur le sujet [sur France Info], cette fois-ci irréprochable. Bravo au journaliste d’Allodocteur. »
Dans « Pesticides dans les mueslis : encore une alerte pour rien… » l’AFIS[1] souligne que l’étude de GF n’apporte aucune information nouvelle, que l’étude n’a rien trouvé d’anormal et que GF n’évoque pas les résidus de pesticides homologués en agriculture biologique, ni les perturbateurs endocriniens naturellement présents dans l’alimentation. Soulignant que l’association GF n’a pas de vocation scientifique, qu’elle soutient ouvertement la filière biologique et est directement financée par elle, l’AFIS conclut : « Avec ce septième volet aux allures d’étude scientifique, Générations futures poursuit une opération tout à fait transparente de promotion du bio, par dénigrement du conventionnel, sans contenu scientifique et sans révélation, et sans que ses liens avec le commerce du bio ne lui soit opposés comme la source d’un possible conflit d’intérêt.
Faudra-t-il attendre le huitième, le quatorzième ou le vingtième volet, pour que les médias en prennent conscience ? »
Campagnes et Environnement, dans « Résidus de pesticides dans le muesli : une question de seuils », permet à l’UIPP de rappeler que « La seule détection de résidus de n’est pas synonyme de risque pour la santé »
Didier Raoult, dans Le Point, titre « Des pesticides dans les mueslis ? Mais arrêtons le délire ! » et souligne « Avant de sonner l’alerte, il faut faire la différence entre la communication militante et souvent alarmiste des ONG et les véritables études scientifiques. » La cause en est selon lui, qu’en France et en Suède où ces alarmes injustifiées pullulent, « à la fois la droite et la gauche surenchérissent sur les angoisses écologiques. »
Il démonte ensuite plusieurs points de l’étude de GF. Mais, ajoute-t-il, « Le vrai scandale qu’aurait pu soulever la presse est le lobbying de l’agroalimentaire qui cherche à nous faire croire que ses céréales raffinées, sucrées et très caloriques sont bonnes pour la santé »
Mentionnons également l’article d’arretsurimages.net : « Le muesli dangereux pour la santé ? Pas forcément. Retour sur un emballement autour des céréales ».
Notre conclusion
Décidément GF délire, ce n’est pas nouveau. Sans doute à force de manger des aliments contaminés aux mycotoxines… (Pour ceux qui auraient l’esprit lent : c’est une blague. Les céréales bios sont, en général, également tout à fait sûres[2]). Plus grave, la très grande majorité des médias se jettent presqu’instantanément sur ce genre de scoop sans aucun regard critique.
Il serait judicieux qu’ils fassent enfin la différence entre une étude scientifique et un n-ième opération de com, alarmiste et intéressée.
Que les pouvoirs publics fassent tout simplement corps avec les ONG les plus extrémistes et se précipitent pour les satisfaire, est également inquiétant.
[1] Association Française pour l’Information Scientifique
[2] Rappelons toutefois que l’ergot de seigle, par exemple, est loin d’être anodin. Une intoxication légère et temporaire peut entraîner des hallucinations. Il a été responsable de 7 morts, 50 hospitalisations psychiatriques et 250 intoxications plus ou moins graves en 1951 à Pont-Saint-Esprit.