Depuis plusieurs années, les médias et les réseaux sociaux font état en permanence des progrès de l’agriculture biologique. Les chiffres avancés par la filière bio méritent un regard un peu plus critique…
Les derniers chiffres de l’Agence Bio, concernant 2016, sont flatteurs : « En 2016, la bio renforce sa croissance. Au 30 juin 2016, l’agriculture biologique en France comptait : 31 880 producteurs, soit + 10 % par rapport à fin 2015 [et] • 14 300 opérateurs de l’aval (transformateurs, distributeurs et importateurs), soit + 6 % par rapport à fin 2015. »
Globalement, il faut noter que les chiffres concernent les surfaces en production, et non pas les volumes ou la valeur de la production. L’Agence bio publie par ailleurs des données concernant le marché, mais ne fait pas la différence entre production nationale et importation (et n’a probablement pas les éléments pour le faire).
Le manque d’organisation de la filière bio est sans doute le principal responsable de cette difficulté à être complètement transparent. Il faut cependant noter que l’Agence Bio présente les chiffres de la façon la plus favorable possible. C’est certes de bonne guerre. Mais cela évite d’aborder les aspects moins favorables du bilan.
Ainsi en fin d’année 2016, la SAU est estimée à plus de 1,5 millions d’hectares, ce qui représente un accroissement de plus de 20% des surfaces conduites selon le mode biologique par rapport à 2015. La part de la SAU française en bio atteindrait ainsi 5,8 % de la SAU totale. En termes de consommation, la part du bio serait de 2.9% en 2015. Cela voudrait-il dire que la bio est deux fois moins productive à l’unité de surface ? C’est certes beaucoup plus compliqué pour deux raisons au moins :
– « 76% des produits bio consommés en France proviennent de France ». 24% sont donc importés (chiffres probablement indiqués en valeur). Les exportations représentent moins de 10% de la production. Les seules vraiment significatives concernent le vin (2/3 des exportations bios).
– Le bio est nettement moins présent en surface en grandes cultures (2.5%), un peu moins présent que la moyenne en légumes frais (4.9%) et un peu plus en surfaces fourragères (6.9%). Mais nettement plus présent en vigne (8.3%) et en arboriculture (16.1%). Ceci conduirait à penser que la différence de productivité est plus importante encore qu’un facteur 2.
Enfin, sous le titre « Les très curieux chiffres de l’Agence Bio », après une enquête approfondie, Agriculture et Environnement n°154 de janvier 2017 a relevé des anomalies très importantes dans les chiffres de l’Agence Bio. Selon A&E, une étude détaillée des données de l’Agence Bio, fait penser que les chiffres des surfaces de vergers bio sont surévalués. Dans certains départements, la surface des vergers bios dépassent même la surface totale en vergers relevée par Agreste, le service officiel du ministère de l’agriculture.
A&E conclut « Au final, on peut se demander si ce flou artistique est volontaire, ou s’il est plus simplement le fruit d’un amateurisme assez caractéristique d’une filière dont la croissance récente est surtout portée par un marketing bien rodé, qui prend un certain nombre de libertés avec la réalité. Faute d’une clarification des données réelles, la désillusion pourrait être à la hauteur des fausses promesses… »
Cette conclusion semble raisonnable. Les médias seraient bien inspirés de prendre les prochains chiffres de l’Agence bio avec un minimum de regard critique…