Les néonicotinoïdes reviennent dans l’actualité française et européenne. Outre la pression continuelle des ONG environnementalistes, la France, et plus spécifiquement Ségolène Royal, sa ministre de l’environnement, lance une consultation publique sur un projet de décret. Et veut contraindre l’Union Européenne à adopter la même totale interdiction qu’en France. Coïncidence qui n’en est pas une : l’UE doit tirer le bilan de trois ans de moratoire sur certains usages de certains néonicotinoïdes. La bataille politico-juridique bat son plein.
La désastreuse gouvernance de l’UE sur le sujet des néonicotinoïdes
Des expérimentations avec des niveaux d’exposition irréalistes, nettement supérieurs à la réalité de terrain, ont montré une toxicité sub-létale des néonicotinoïdes sur les abeilles. Les organisations environnementalistes en ont fait un outil de lobbying et ont obtenu qu’en 2013, l’UE suspende pour trois ans la plupart des usages de trois néonicotinoïdes. Pour la Commission Européenne, c’était une façon de se donner le temps d’une évaluation plus approfondie. Mais aussi de retarder le moment de décider en espérant que le problème disparaisse. Comme il fallait s’y attendre, depuis, le problème médiatique n’a fait qu’empirer… L’UE doit maintenant prendre une décision en tirant les leçons de ce moratoire de 3 ans. Bien qu’elle soit politiquement plus faible, l’UE a tous les éléments scientifiques pour lever ce moratoire. Le fera-t-elle ?
Jusqu’à présent, sur les sujets sensibles tels que celui des pesticides, l’UE semble malheureusement coutumière d’une très mauvaise gouvernance. Concernant les perturbateurs endocriniens, Daniel Guéguen, connaisseur de la politique européenne, parlait de « l’Everest de la mauvaise gouvernance européenne » (voir ici). Il montrait dans le détail comment, au lieu de prendre des décisions basées sur la science, la Commission « est gênée, consciente de la nécessité d’une voie moyenne, mais incapable de l’imposer par manque d’autorité. » On peut déceler la même attitude concernant le glyphosate et… les néonicotinoïdes.
Une pression environnementaliste qui ne faiblit pas
Depuis la décision de 2013, la pression des ONGs environnementalistes sur les néonicotinoïdes n’a pas faibli, bien au contraire. Leur objectif est clair : forcer l’UE à interdire définitivement et totalement les néonicotinoïdes à l’issue du moratoire de 3 ans. En France, cette pression a conduit au vote d’une interdiction totale programmée. Seules quelques dérogations provisoires pourront éventuellement être accordées si la loi de ne change pas. Les ONG veulent conforter cette interdiction par une décision européenne allant dans le même sens. Voir par exemple « Greenpeace demande l’interdiction totale des néonicotinoïdes » (La France Agricole)
Le bilan que devrait logiquement tirer l’UE
Les études de terrain et les recherches menées ces trois dernières années confirment que les principaux problèmes des abeilles sont le parasitisme, les maladies, le manque de nourriture et, parfois, les mauvaises pratiques apicoles. Les pesticides, dont les néonicotinoïdes viennent en dernier, très loin derrière. Ajoutons que la réalité du déclin des abeilles, domestiques ou sauvages, reste à démontrer. Voir ici, ici et ici).
De plus, les néonicotinoïdes, certes intrinsèquement dangereux pour les abeilles comme tout insecticide, sont, lorsqu’ils sont employés correctement, la famille d’insecticide la plus sûre.
Les solutions alternatives existant actuellement pour protéger les cultures des insectes ravageurs sont à la fois moins efficaces et plus risquées pour les abeilles. Les agriculteurs de l’ensemble de l’UE ont grandement souffert du moratoire partiel sur trois néonicotinoïdes. Voir par exemple : « L’interdiction des néonicotinoïdes coûte cher à l’agriculture britannique »
Enfin, l’absence de motivations scientifiques au moratoire des trois néonicotinoïdes est un problème juridique, politique et moral. Ces points sont soulevés par David Zaruk, The Risk Monger, dans « Le temps est venu de décider sur les néonicotinoïdes : lettre au Commissaire Européen Andriukaitis » (en français, in English) (traduction en français par Seppi).
On peut mentionner entre autres :
– L’UE risque la condamnation devant la cour de Justice Européenne face à Syngenta et Bayer.
– Le document-guide pour les abeilles (sur la manière dont les évaluations des risques encourus par les abeilles devraient être menées par les firmes requérant l’autorisation d’une substance) proposé par l’EFSA sous pression environnementaliste est impossible à appliquer. Ce qui a conduit le Conseil de l’Europe à refuser de l’approuver.
– « L’EFSA a appris que son groupe consultatif d’experts était affligé de conflits d’intérêts qui lui ont été cachés ; et la précédente DG Sanco avait en son sein plusieurs directeurs qui avaient été jugés trop proches des activistes anti-pesticides » David Zaruk a plusieurs fois dénoncé ce « scandale des néonicotinoïdes » dans plusieurs articles. Par exemple ici.
– Les campagnes militantes des ONG environnementalistes sont honteusement mensongères. Dans « les abeilles, les pesticides et la ruche activiste » (in English), Lord Matt Ridley fait une analyse analogue.
L’Union Européenne, en particulier la DG Santé, a tous ces éléments d’information en sa possession. Le Centre Commun de Recherche (JRC), instance scientifique de l’UE, est d’ailleurs très clair sur l’inutilité du moratoire quant à la santé des abeilles et sur les difficultés qu’il entraîne pour les agriculteurs.
Bref, il est temps que l’UE appuie ses décisions sur la base de données scientifiques et pas sur celle des on-dit dénués de fondement des activistes.