Dans le cadre de la loi biodiversité, les néonicotinoïdes seront interdits compter du 1er septembre 2018, avec des dérogations possibles pour certains usages jusqu’au 1er juillet 2020. L’ANSES[1], afin d’éclairer les décisions de dérogations et à la demande de Stéphane Le Foll, vient de rendre un « premier avis relatif à la méthode d’identification des alternatives existantes et à son application à une étude de cas. » Le cas étudié est celui de la vigne. Analyse.
Voir le communiqué de presse de l’ANSES.
Des limites
L’ANSES soutient dans le rapport que « pour les cicadelles de la vigne, il existe à l’heure actuelle des méthodes de lutte alternatives suffisamment efficaces et opérationnelles pour contribuer à une solution de substitution à l’usage des néonicotinoïdes, en termes d’efficacité, à l’horizon 2018. » Parmi ces méthodes : « l’arrachage des plant contaminés par la flavescence dorée [maladie transmise par les cicadelles] reste l’une des méthodes les plus efficaces. »
Selon l’ANSES, il faut cependant tempérer :
– « Aucune méthode n’assure à elle seule une efficacité suffisante »
– « Il convient aussi de souligner l’augmentation attendue du risque de résistance des insectes aux autres insecticides chimiques du fait de la suppression du mode d’action des néonicotinoïdes »
– Les risques pour la santé et l’environnement des moyens alternatifs restent à évaluer
– Enfin il reste des milliers d’usages à comparer…
Il faut rajouter que Stéphane Le Foll a réaffirmé « la nécessité d’évaluer, pour chacune de ces solutions alternatives, leurs incidences économiques et pratiques pour les exploitations agricoles ainsi que les risques d’apparition de résistance parmi les organismes cibles. »
Actu-Environnement titre résolument « L’Anses identifie des alternatives efficaces et opérationnelles aux néonicotinoïdes. »
Dans « Premier avis de l’Anses sur les alternatives aux néonicotinoïdes », Mon-Viti, revue professionnelle viticole a un ton plus neutre, voire prudent. Il en est de même de Circuits Culture ou d’autres revues professionnelles.
En général donc : une ANSES et des commentateurs prudents et réservés.
Une critique plus radicale
Dans « Néonicotinoïdes : l’Anses déconnectée du terrain », Alerte Environnement conteste les résultats déclarés de l’ANSES sur la vigne. Et ironise sur une des solutions proposées par l’ANSES : « l’arrachage des plants porteurs de flavescence dorée » : Si un plant est contaminé, ses voisins le sont déjà probablement… Un commentaire se demande même s’il n’y a pas confusion avec l’esca…
Alerte-Environnement remarque par ailleurs « ce curieux calendrier qui consiste à interdire…et à ensuite essayer de trouver des alternatives. »
Notre analyse
Les réserves exprimées par l’ANSES même, la réaction de Stéphane Le Foll et les critiques defond formulées par Alerte-Environnement montrent que les pouvoirs publics sont très loin de pouvoir proposer des alternatives fonctionnelles à l’horizon 2018 ou même 2020.
L’ANSES exprime un avis mesuré. Malgré cela, une critique sévère s’impose.
Ce travail a peut-être un intérêt scientifique marginal. Mais, pour l’ensemble des agriculteurs concernés par les néonicotinoïdes, cette étude de cas est d’un intérêt pratique quasi-nul. Sur la vigne, et en particulier contre les cicadelles vectrices de la flavescence dorée, n’importe quel technicien agricole sait depuis toujours qu’il y a une ribambelle de produits d’autres familles chimiques, ayant une efficacité comparable à celle des néonicotinoïdes. Ce n’est pas du tout sur la vigne que l’interdiction des néonicotinoïdes pose problème. Beaucoup d’autres usages des néonictoinoïdes sont vitaux : traitements de semences en céréales, et en culture spécialisées, traitement aérien dans quelques cultures particulière.
Communiquer d’abord sur les usages où les néonicotinoïdes n’ont pas d’avantage décisif, c’est se moquer du monde. La seule justification du choix de ce cas est « politique », au plus mauvais sens du terme.
Mise à jour du 31 mars 2017 :
Dans « Néonicotinoïdes et ANSES : le délire politique et bureaucratique. Agriculteurs, prenez les choses en main ! », Seppi souligne la gravité de la situation : « L’ANSES s’est vu confier une mission impossible : donner des avis sur les usages pour lesquels des dérogations peuvent être accordées dans le respect des conditions légales. Elle a mis un an pour produire un document partiel présentant une approche et une méthode. Ce document est hautement critiquable, voire contre-productif dans le cas pris pour modèle : la vigne et le contrôle de la cicadelle, vectrice de la flavescence dorée. Il reste près de 340 jours ouvrables d’ici l’échéance et le mandat de l’ANSES est d’étudier des milliers (3.500 dit-on) de triplets « espèce cultivée-ravageur-solution de substitution aux néonicotinoïdes » »
Sa conclusion : « Les agriculteurs doivent réagir. […] ils doivent à notre sens impérativement demander ces dérogations dès maintenant, sans compter sur une inexistante bienveillance administrative et ministérielle.
Ce serait aussi honorer le travail de tous les parlementaires qui se sont investis pour s’opposer à l’interdiction.
Ne pas le faire, ce serait déserter devant la pseudo-écologie démagogique et délétère. »
[1] Agence Française de sécurité des aliments