Le 22 avril 2017 des marches pour la science ont eu lieu un peu partout dans le monde. Initiative sympathique de prime abord. Mais plus intéressée et politique qu’il n’y parait. Et surtout entretenant dangereusement la confusion entre ce qui relève de la science et ce qui relève de la politique.
Dans « Marche pour la science : contradictions et faux consensus », Sylvestre Huet dans Libération, après avoir salué l’évidence du besoin d’une réaction aux « faits alternatifs » de Trump, montre les contradictions au sein du monde français de la recherche. Défenseurs (patrons des instituts de recherche) et dénonciateurs (syndicats) des politiques publiques de recherche se retrouve à appeler à la même manifestation. « Logique puisque aucune revendication précise ne vient troubler ce consensus factice. »
Sous le titre « L’hooliganisme politique a gâché ma marche pour les sciences », la vidéo de Science4All (français) fait une critique plus fondamentale encore : les marcheurs pour la science, entretiennent la confusion entre ce qui relève de la science (la recherche de ce qui « est ») et ce qui relève de la politique ou de la morale (la recherche de ce qui « devrait » être). Qu’on soit d’accord ou non avec les revendications des scientifiques exprimées lors de ces marche, ces revendications sont légitimes. Mais elles ne sont pas « scientifiques », elles sont profondément « politiques ». « La politisation de la marche des sciences risque fortement de conduire à une décrédibilisation des fait scientifiques. […] Si la science commence à parler de ce qui devrait être, n’est-elle pas en train de devenir juste une question de goût et de couleurs […] une opinion comme les autres ? […] Amis scientifiques et sympathisants des sciences, il nous faut absolument être beaucoup plus clair dans la distinction entre ce qui relève des préférences, des goûts et des revendications politiques et ce qui relève des faits »
Dans la même veine, le blog Mythes, Mancies et Mathématiques publie « Pardonnez-leur », article à la tonalité plus polémique, mais en grande partie pertinent. « Les scientifiques sont humains, ils ne valent ni plus ni moins que les autres humains, et leur savoir spécifique ne les met pas à l’abri des idées toutes faites. S’imaginer le contraire est non seulement immodeste et immérité, mais même encore pire : c’est se fragiliser soi-même en se croyant protégé par un bouclier qui n’en est pas un. […] vous devriez cesser d’instrumentaliser la science à des fins manifestement idéologiques. Cela se voit comme le nez au milieu du visage que votre manifestation est à caractère politique, votre opinion générale suinte à chaque ligne de votre tribune où vous vous en prenez aux « négateurs et idéologues de l’alt right », aux « puissants lobbys industriels ». […] C’est non seulement éthiquement questionnable, mais c’est aussi contre-productif, parce que, même s’ils n’ont pas tous un doctorat, les gens ne sont pas des imbéciles. Ils savent très bien faire la part des choses entre vos compétences dans un domaine et vos opinions militantes de l’autre. »
Dans « « Marche pour les sciences » : un autre point de vue », Seppi indique quelques liens reprenant plus ou moins clairement cette critique. Certains sont in English ce qui reflète la sensibilité anglo-saxonne à cette dérive. Nous mentionnerons en particulier « Scientists: Be Effective with Your Rage » (in English) « de M. Kevin Folta, un chercheur profondément engagé dans la vulgarisation ».