La contamination d’oeufs, ou plus exactement d’ovoproduits, due à un usage frauduleux de fipronil fait la une des médias. Avec, jusque-là, une certaine modération. Point de la situation.
Dans les médias
D’une façon générale, les médias oscillent entre le factuel et un certain alarmisme.
Sous le titre « Œufs contaminés : qu’est-ce que le fipronil et est-il dangereux ? », France Bleu prend le parti de l’alarmisme, sous couvert de « doute », et sans jamais parler des doses. Pour Alain Picot, le toxicologue interviewé, « Le risque n’est jamais nul, mais il est ici vraisemblablement faible car les quantités de fipronil sont peu importantes. De toute façon, on n’a pas de recul là-dessus, en fait « on ne sait pas » ».
France Bleu rend tout de même compte de la position de Fany Molin, porte-parole du ministère de l’agriculture : « les données toxicologiques concernant le fipronil sont bien connues : c’est un produit qui ne présente pas de risque à l’état de trace. Ce qu’il faut que nous fassions maintenant, c’est conduire des analyses pour déterminer le niveau de contamination réelle des éventuels produits. »
Dans « Œufs contaminés : la France touchée à son tour par le scandale sanitaire », Le Figaro est factuel et instructif en faisant le point par questions et réponses :
– D’où vient la contamination ?
– Y a-t-il eu rétention d’informations ?
– Y a-t-il un risque pour la santé du consommateur ?
– Quels sont les pays concernés ?
– Quelles conséquences pour les aviculteurs concernés ?
– Les œufs sont-ils les seuls produits touchés ?
Pour notre part, nous retiendrons essentiellement une rétention d’information de la part des autorités belges, mais à relativiser ; l’absence de risque pour les consommateurs ; la « réaction exagérée » de la part d’Aldi selon les aviculteurs allemands ; de très lourdes pertes pour la filière avicole, principalement aux Pays-Bas.
Dans « Tout comprendre au scandale des œufs contaminés qui touche l’Europe » (par S Foucart et A Garric), Le Monde reste factuel et précis (mais les niveaux de contamination ne sont pas indiqués).
Interview de Stéphane Gayet, médecin des hôpitaux sur Atlantico (p1, p2, p3)
Sa conclusion : « Il est peu probable, même avec la contamination accidentelle des œufs, d’atteindre le seuil toxique pour que surviennent des manifestations aiguës. […]
Le risque sanitaire réel dans l’affaire qui nous occupe est une intoxication chronique. Mais il faudrait pour cela, d’une part la poursuite dans le temps de la contamination des œufs à cette dose, d’autre part une consommation très régulière d’œufs contaminés.
En revanche, cette affaire a le mérite d’attirer notre attention sur un pesticide très utilisé en agriculture et même en médecine vétérinaire (les personnes ayant des animaux domestiques traités par voie externe avec le fipronil sont finalement les plus exposées). »
Pour le Huffington Post, « Fipronil : il faudrait manger entre 7 et 15 œufs contaminés par jour pour subir des effets négatifs »
Selon LCI, « Œufs contaminés au fipronil : « Pas de danger pour la santé publique », rassurent les analyses belges »
Mise à jour du 09 aout 2017 :
Signalons « Continuons à manger des œufs !« , excellent article de Bruno Parmentier.
Il y aborde les questions économiques et sanitaires concernant les œufs sous un angle enrichissant.
Article indispensable donc, malgré une coquille 😉 à répétition : « fipronil » M Parmentier, pas « fibronil »
Notre conclusion
L’utilisation de fipronil dans un élevage destiné à l’alimentation humaine est clairement interdite. Il y a donc bien un scandale, ou plus exactement une fraude. Sur ce point, reste à savoir pourquoi des fournisseurs (ou des éleveurs) ont décidé d’enfreindre la réglementation.
Les niveaux retrouvés sont très faibles. Le risque d’intoxication aigüe des consommateurs est visiblement inexistant. Pour qu’il y ait un (faible) risque d’intoxication chronique (sur le long terme), il faudrait que la contamination soit généralisée et pérenne. Ce ne sera pas le cas. On ne peut donc pas parler de scandale « sanitaire ».
Reste que cette fraude met en évidence une faiblesse de la traçabilité et des contrôles dans la chaîne de fabrication et de commercialisation des produits alimentaires transformés. Faiblesse qui devra être corrigée pour une meilleure confiance du consommateur.
Dans le contexte de phobie sociétale des « pesticides », on peut constater une relative modération des médias et des réseaux sociaux sur le sujet. Ce pour au moins deux raisons :
– « Des produits autorisés en agriculture biologique ayant été, semble-t-il, coupés au fipronil », selon l’expression du Monde., des élevages bios sont également touchés. (remarque incidente : tiens, tiens, les élevages bios utilisent des produits vétérinaires…)
– Mais surtout, le fipronil est largement utilisé par le public pour protéger chiens et chats contre les puces, tiques et autres bêbêtes indésirables. Donc
1) l’utilité du fipronil est évidente pour le grand public
2) l’exposition au fipronil est évidemment largement supérieure en caressant son chien qu’en mangeant une madeleine contenant des œufs « contaminés ».
Dès lors, impossible pour les marchands de peur d’agir en toute liberté…
Mais gageons que les critiques sur les grands élevages intensifs vont refleurir de plus belle… Critiques pas forcément justifiées.