Sur le front de la bataille du glyphosate, les lignes bougent. Les agences de sécurité ont démontré la relative innocuité du glyphosate. Depuis quelques temps, les organisations agricoles mettent plus en avant ses avantages agronomiques, environnementaux et économiques. Le pouvoir est plus hésitant sur l’attitude à adopter.
Mais règlementairement, rien n’est réglé…
Les organisations agricoles s’affirment… enfin
Ces dernières semaines, à l’approche de la décision finale européenne, les agriculteurs et leurs organisations se mobilisent. En conséquence (au moins en partie), les médias se jettent sur le sujet avec un point de vue moins unilatéral qu’habituellement.
L’interview de Christiane Lambert à la sortie de son rendez-vous avec Nicolas Hulot est claire : « pas d’interdiction sans solution alternative »
Le communiqué de la FNSEA suite à ce rendez-vous est également très clair : « il n’y a pas, à ce jour, de raisons scientifiques incontestables qui justifieraient son interdiction » et « Les agriculteurs français ont besoin de soigner leurs plantes avec des solutions efficaces et pragmatiques. Le zéro phyto n’existe pas sauf dans une idéologie hors sol ! »
Les FDSEA d’Ile de France ont organisé une manifestation surprise sur les Champs Elysées. Tous les médias ont repris l’information. Comme Seppi, qui considère qu’il y avait « erreur de com » sur quelques points (voir ici), on peut ne pas approuver tous les détails de la manifestation. Mais elle a incontestablement le mérite de montrer que les producteurs sont maintenant prêts à parler ouvertement des questions phytosanitaires.
Cette expression au grand jour touche aussi l’aspect économique de l’usage du glyphosate. Rémi Dumery, céréalier, twitte fort justement : « Qui va développer un produit de remplacement, à 3 euro le litre, moins de 10 euro de l’ha, avec 10 ans d’étude à 300 M€ que pour la France ? »
Malgré une certaine confusion sur la sécurité sanitaire du glyphosate, les médias relancent le débat sur plusieurs points de fond : environnement, absence d’alternative et coût économique d’une éventuelle interdiction.
Même l’Humanité, habituellement prompt à emboîter le pas aux environnementalistes laisse la plume à Gérard Le Puill, journaliste originaire du monde de l’agriculture et du travail, qui explique les « bonnes raisons écologiques » d’employer du glyphosate et qu’il « vaudrait mieux que les règles soient les mêmes dans tous les pays membres de l’Union européenne ». Voir également l’article de Seppi qui mentionne également d’autres articles de médias.
Même les radios et télés s’emparent du sujet et en font, une fois n’est pas coutume, un vrai débat. Par exemple France24, Radio Brunet sur RMC,
Le gouvernement est pris entre deux feux
Le gouvernement ne sait pas comment sortir de la nasse dans laquelle il s’est lui-même mis.
Quelques exemples significatifs :
« Matignon tempère l’annonce de Christophe Castaner sur l’interdiction totale du glyphosate d’ici 2022 » (Le Lab, Europe 1)
Dans « Glyphosate : Édouard Philippe demande un plan de sortie à ses ministres », Campagnes et Environnement fait part du « souhait » du premier ministre Edouard Philippe de « trouver des alternatives solides au plus vite ».
« Glyphosate : Vers une interdiction totale d’ici mi-2022… ou pas » (Terre-Net)
Edouard Philippe demande un rapport avant la fin de l’année pour pouvoir trancher (voir ici). Une façon de gagner quelques semaines.
Pourtant comme l’écrit Seppi, « le gouvernement peut se sortir du piège d’une communication intempestive et d’une posture irresponsable ». « Il connaît les impacts sociaux, économiques et politiques du bannissement et sait qu’il n’y a pas d’alternative au glyphosate. » Il lui suffit de « faire prévaloir le consensus scientifique […], le bon sens et la raison. [ceci] lancerait aussi un signal fort à ceux qui sont prêts à toutes les manœuvres et toutes les avanies pour faire prévaloir leurs options socio-politiques. »
Simplement un peu de courage.
Mise à jour du 30 septembre 2017 :
Dans « Glyphosate : le Monde, hélas… et la notion d’agronomie a-t-elle encore cours à l’INRA ? », Seppi constate « Le glyphosate sera ces prochains temps un extraordinaire sujet de conversation, d’agitation et de manipulation. La prudence nous incite à attendre avant d’analyser les couacs gouvernementaux qui n’augurent rien de bon s’agissant de la cohésion de l’équipe macronienne, pas meilleure que celle de la précédente sur ce sujet (mais on peut s’en moquer) ; s’agissant aussi de l’action publique et de l’avenir de notre Nation (là, on peut sérieusement se préoccuper). Le point final n’est peut-être pas encore mis à une extraordinaire cacophonie. »
Reprenons également sa conclusion : « Simplifions et résumons : le glyphosate, c’est bon pour l’agriculture (et certaines activités industrielles) ; c’est bon pour l’« agro-écologie » ; c’est bon pour l’écologie.
N’en déplaise à tous les marchands de peur (et surtout aux marchands de bonheur bio).
Et s’il n’y a pas de substitut – ou de concurrent – du glyphosate, ce n’est pas faute d’avoir cherché. »