Plus l’échéance réglementaire approche, plus les environnementalistes essaient de peser sur la décision finale. En utilisant des arguments de plus en plus déconnectés, voire désespérés. On sent le désarroi…
Certains sont ébranlés ou plus nuancés.
Par exemple, dans « Glyphosate : réflexions pré-interdiction », Sylvestre Huet, par exemple sur son blog lié au Monde, habituellement favorable aux thèses environnementalistes, essaie de composer entre son opposition habituelle au glyphosate et la prise en compte des faits.
La tonalité de l’article reste pour le moins ambigüe.
D’un côté,
– Son titre accepte d’emblée l’interdiction.
– Il dénonce « l’usage massif des herbicides » qui ont permis « une simplification et une spécialisation extrême des systèmes agraires ».
Il conclut par un tableau très sombre de l’agriculture actuelle.
Etc.
Mais d’un autre côté,
– Pour lui « la réduction du problème à Monsanto n’a pas grand sens puisque le principal producteur d’herbicides au glyphosate est… la Chine »
– Pour lui, la polémique sur la caractère cancérigène du glyphosate « n’est pas si radicale qu’il n’y parait » puisque la liste des cancérigènes synthétiques ou naturels est longue et qu’il est inenvisageable de les interdire tous : vin, tabac, poussière de bois, contraceptifs, extraits de feuille d’aloe vera, plante médicinale, utilisée en agriculture biologique et cancérogène probable ;
– Il souhaite une « transformation progressive de l’économie agraire » ;
– Il juge « peu crédible un basculement d’une année sur l’autre » ;
– Enfin, s’appuyant sur une publication de l’INRA, il prône un usage des herbicides « en dernier recours » (ce en quoi tous les agriculteurs seront d’accord !)
Etc.
Mais beaucoup d’environnementalistes choisissent la fuite en avant…
Depuis 2 ans maintenant, les environnementalistes ont utilisé la tactique du millefeuilles argumentatif, une « technique rhétorique qui vise à intimider celui qui y est confronté : il s’agit de le submerger par une série d’arguments empruntés à des champs très diversifiés de la connaissance, pour remplacer la qualité de l’argumentation par la quantité des (fausses) preuves » (voir cette page gouvernementale publiée sous le Gouvernement Valls II). Plus on avance dans le temps, plus les arguments sont douteux….
Parmi les principaux arguments :
– S’appuyer sur la publication du CIRC, affirmant que le glyphosate est cancérigène probable. Les environnementalistes croyaient tenir là un élément clef. Mais cette accusation a été réfutée par toutes les agences de sécurité dans le monde. Voir ici. De plus, il a pu être démontré que le CIRC a eu une approche biaisée. Voir ici.
– Agiter le danger et non pas le risque. Voir par exemple PAN Europe ne craignant pas le ridicule en offrant en décembre 2015 des « pommes contaminées au glyphosate » (voir ici)
– Le Tribunal Monsanto, mascarade de procès soutenu par le lobby industriel bio, où le glyphosate occupait une place de choix. Voir ici.
– L’EFSA accusée de conflit d’intérêt. Rien de tel que d’accuser le porteur du message quand le message ne plait pas. Voir ici (in English) (question n°17)
– Glyphosate perturbateur endocrinien. Nicolas Hulot y rajoute même récemment un rôle « peut-être d’antibiotique surpuissant »(sic) (voir ici). Ce bruit sans aucun fondement a été démenti par l’EFSA. Voir ici.
– Les « Monsanto papers ». Le méchant Monsanto paierait des scientifiques pour dénigrer le CIRC. Et paierait aussi des « trolls » pour pourrir les réseaux sociaux. Voir ici en quoi il s’agit d’une affaire montée de toutes pièces.
– Le BfR (agence allemande) et l’EFSA (agence européenne) « plagiaires ». Ils auraient repris sans aucune modification les conclusions des demandeurs. En fait, de longues citations reprises après examen critique. Voir la.réponse du BfR ici, et celle de l’EFSA ici.
– Des résidus partout. Générations Futures (GF) est le plus actif sur ce terrain en France. Dans son dernier rapport, comme dans les précédents (voir ici), il veut semer la peur du fait de la présence de résidus, tout en admettant que les LMR[1], très protectrices, sont respectées. Les résidus trouvés ne sont d’ailleurs que des traces infimes, détectables seulement du fait des performances des laboratoires.
Le champion…
Dans « la grogne des céréaliers est «scandaleuse» » sur Libération, José Bové prétend qu’un usage, qu’il qualifie d’illégal, du glyphosate, est la raison essentielle qui motiverait les céréaliers à défendre la substance active !!
C’est oublier que l’usage du glyphosate avant moisson est autorisé (et non pas illégal comme il l’affirme) pour lutter contre des mauvaises herbes vivaces telles que le liseron ou le chiendent. De plus, son usage en tant que dessiccant est autorisé dans les pays du nord de l’Europe, où il est utilisé uniquement en cas d’humidité excessive pour limiter les mycotoxines.
C’est oublier que cet usage est très minoritaire.
C’est surtout oublier un peu vite les avantages agronomiques, environnementaux et économiques des autres usages autorisés du glyphosate.
Il tente de réveiller une vieille fake news, maintes fois démentie, sur le caractère chélatant, donc forcément néfaste du glyphosate.
Il se livre aussi à de l’inflation verbale douteuse pour imprégner l’émotion du lecteur : « tue toutes les plantes » « poison », « la quasi-totalité du territoire agricole qui est aspergé sous des tonnes de Roundup pour récolter des plantes mortes. »
Puis il fait appel « au travail » de Générations Futures (voir ici et ici).
Enfin, apothéose, il « conseille au premier ministre de réserver sa soirée pour regarder la télé » le jour de la diffusion du prochain « documentaire » de Marie-Monique Robin. On vit une époque formidable…
Dans « Glyphosate : les bassesses de M. José Bové », Seppi démonte en détail et fort justement la mécanique infernale que José Bové met en œuvre.
L’article de José Bové pourra probablement être dépassé en matière d’inventivité, d’incohérences, d’appel à l’émotion en guise d’argument, d’agressivité et de déconnexion par rapport à la réalité. Il est cependant indubitablement significatif d’une radicalisation extrême du discours des environnementalistes sur la question du glyphosate.
Cette radicalisation est à double tranchant.
D’un côté, donnant l’illusion de l’assurance, elle peut impressionner favorablement le public et… le législateur.
D’un autre côté, elle met en évidence la vacuité des arguments de fond, finit par lasser et affaiblit politiquement cette posture d’opposition systématique.
Résultat : les lignes bougent
Comme nous le mentionnons ici, la perspective d’une interdiction soudaine et brutale du glyphosate s’éloigne et la première raison à cela est la mobilisation des producteurs. Mais la radicalisation hors-sol du discours environnementaliste a également son importance.
L’intervention brève et percutante de Lise Magnier, députée Les Constructifs montre un changement significatif de perspective. Pour la première fois une personnalité politique ose prendre sans ambiguïté la défense des pratiques phytosanitaires des producteurs, et en l’occurrence la réautorisation du glyphosate au niveau européen. La réponse contournée d’Edouard Philippe montre que l’actualité n’est en tous cas plus à l’interdiction brutale et/ou immédiate : il est toujours axé sur « stratégie de sortie », mais souligne qu’effectivement, aujourd’hui, il n’existe « pas d’alternative » au glyphosate, admettant implicitement qu’il est impossible de l’interdire immédiatement.
La demande d’éclaircissement de GF montre son propre désarroi de ne peut-être pas obtenir l’interdiction.
Dans « La Commission tente de rassembler sur le glyphosate » (en français, in English), Euractiv fait part des dernières manœuvres politiques dans les différents Etats Membres.
La ré-autorisation européenne n’est pas gagnée. Mais sa probabilité augmente.
Bref les lignes bougent. Mais rien n’est joué. Si l’UE ré-autorise le glyphosate, cela augmente les chances de la prolongation de son autorisation en France, car cela affaiblira encore la position des environnementalistes les plus extrémistes. Mais il est important que les agriculteurs et leurs organisations continuent et amplifient la mobilisation dans ce sens.
[1] Limites maximales de résidus