« Capricieux » : C’est ainsi que la NPR, radio publique US, caractérise le dicamba (voir ici, in English). Cet herbicide a été à la source d’une vive controverse qui a secoué quelques Etats des USA en 2017. Un peu de sang-froid est nécessaire pour comprendre la situation et ses enjeux.
Le dicamba est un herbicide assez ancien à large spectre ciblant les adventices dicotylédones vivaces. Il a l’inconvénient d’être assez volatil et d’être actif à très faible dose sur certaines plantes cultivées sensibles (soja, vigne, tomate…).
Monsanto l’a relancé aux USA dans une formulation nettement moins volatile. Associé avec des semences génétiquement modifiées résistantes au dicamba, cette technique permet de lutter efficacement contre les adventices devenues résistantes au glyphosate, suite à son utilisation répétée, massive et pas toujours raisonnée.
En 2017, de nombreux dégâts ont été constatés sur les cultures voisines. Près de 1.5 million d’hectares de soja auraient été touchés.
Au point de créer des tensions importantes entre agriculteurs dans les régions concernées.
Les principaux titres de presse et certaines ONG à leur suite ont sauté sur l’occasion pour accuser une nouvelle fois le monstre Monsanto de toutes les turpitudes imaginables.
Une analyse complète de la situation
Cependant, la situation, beaucoup plus complexe, est bien décrite par Kevin Folta, agronome universitaire faisant autorité, et Cameron English, journaliste scientifique, dans « La réalité derrière la controverse sur le Dicamba » (in English)
Plusieurs phénomènes ont contribué à amplifier les problèmes en 2017 :
– les conditions météorologiques particulières de l’été 2017 (inversion de températures favorisant la dérive sur grandes distances),
– l’utilisation parfois de dicamba non formulé, ou de mauvaises pratiques de pulvérisation
– une information parfois insuffisante de la part de Monsanto et des autres compagnies vendant du dicamba
Dans l’histoire, personne n’est tout blanc ou tout noir.
De plus, les aspects techniques sont complexes. Par exemple, des résidus d’engrais dans les pulvérisateurs pourraient favoriser la volatilisation du dicamba.
L’ampleur des dégâts est extrêmement difficile à évaluer : Des feuilles en cuiller suffisent-elles à réduire les rendements de façon significative ? Des symptômes observés à plusieurs kms des parcelles traitées sont-ils imputables à ce traitement ?
K Folta et C English soulignent surtout qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
Leur conclusion : « Au total, cette technologie (Dicamba et OGM résistant) est une bonne technologie. Elle n’était cependant clairement pas suffisamment mature. Le bon côté est que des experts indépendants ont rapidement travaillé avec les agriculteurs pour identifier le problème. Agriculteurs, universités, EPA (agence US de l’environnement) et firmes phytos travaillent maintenant (et quelquefois en collaboration) pour le résoudre. C’est le seul type de réponse qui rend l’utilisation d’une technologie agricole durable. Et qui en rend l’usage socialement acceptable.
Nous conseillons fortement la lecture de l’intégralité de l’article (in English).
Pour les non-anglophones, pensez à utilisez un traducteur automatique
La leçon que nous en retiendrons pour l’Europe c’est que, une nouvelle fois, cette histoire démontre que l’analyse en termes de bénéfices-risques est la seule issue pour prendre des décisions éclairées et raisonnables.
Pour les allergiques complets à la langue de Shakespeare, nous conseillons la lecture de « États-Unis : Monsanto gagne une bataille sur un herbicide controversé ». Europe1 y fait un bref résume de la situation en français et de façon équilibrée.
Résumé de la situation en dessin (par Kevin Folta)